Aujourd'hui, tout le monde a une bucket list, une liste de choses à faire avant de mourir. Faire l'ascension du Kilimandjaro, le Paris-Dakar, la traversée de l'Atlantique en bateau... Avant, les choses se passaient autrement. On était plus terre à terre. Les bucket lists étaient bien plus courtes, et les rêves de chacun assez similaires: construire sa maison, planter un arbre, fonder une famille. Peut-on se contenter de ça à notre époque?

Sascha Borrée

J'espère bien trouver réponse à cette question. Je n'ai pour l'instant ni le terrain ni le budget pour me construire une maison. Qu'à cela ne tienne, j'ajusterai un peu ma bucket list... Si je ne peux pas bâtir une maison, peut-être puis-je au moins commencer par une serre? Je ne pourrai certes pas y planter d'arbre mais, au moins, j'y ferai pousser des tomates. C'est le projet idéal pour le printemps qui arrive tout soudain. Après avoir examiné quelques plans de construction, je pense pouvoir y arriver.

La première étape de ceux qui construisent une serre ou une maison consiste à trouver le bon emplacement. Divers facteurs doivent être pris en compte: dans les deux cas, l'endroit doit être ensoleillé si possible, ce qui est difficile à trouver sur mon terrain. Des générations de constructeurs semblent avoir pris leur liste très à cœur bien avant moi, puisque je suis entouré de vieux hêtres, de chênes et de châtaigniers dont les couronnes jettent de l'ombre sur le sol. Je finis pas trouver un endroit tout derrière, aux limites du terrain, illuminé par le soleil matinal. Mais qu'en est-il du bouleau voisin? Le soleil ne se cache-t-il pas derrière durant la journée? Je veux être certain de mon coup, je télécharge même une appli qui vérifie sa trajectoire. Elle m'indique que mon endroit est parfait. Super! J'y amène mes baguettes de bois, et je prépare mes outils et mon matériel. Je suis prêt à commencer.

Autor Sascha Borrée legt seine Baumaterialien zurecht, damit er gleich mit dem Bau seines eigenen Gewächshauses anfangen kann und misst schon mal grob vor: Passt alles von den Maßen her, so wie er sich das vorgestellt hat?

La serre devra pouvoir résister aux intempéries automnales. Ses fondations doivent donc être solides. Comme je le constate en faisant des recherches sur Internet, plusieurs solutions s'offrent à moi, comme des cadres de bois ou des tiges de métal avec ancrages au sol. Les fondations en béton, en plots ou en ceinture, sont l'option classiques. J'opte pour une variante simple, puisque c'est mon premier essai. J'ai la chance d'avoir un voisin qui me donne six vieux blocs de béton. J'en enfonce trois en ligne, parallèles, à mi-hauteur dans le sol, et je les redresse précisément avec un niveau à bulle. Je veux avoir une serre droite, pas la tour de Pise... Voilà, c'est tout bon.

Sascha Borrée, der sein erstes eigenes Gewächshaus baut, nutzt alte Betonblöcke als Fundament und misst mithilfe der Wasserwaage aus, ob das Betonfundament seines selbst gebauten Gewächshauses gerade ist.

Je peux enfin commencer à construire ma serre. J'ai hâte de voir si tout fonctionnera comme je me l'imagine. Je fabrique quatre cadres latéraux à partir de quatre poteaux de bois de 5 cm par 5 cm. Le cadre arrière mesure 3 m de large et s'arrête au niveau de la poitrine. Le cadre avant sera un peu plus élevé, pour que le toit penche légèrement et que l'eau de pluie puisse s'écouler facilement. J'estime que les deux cadres latéraux font un mètre de large. J'assemble d'abord les cadres séparément; je pose des angles qui les relieront solidement. Je redresse ensuite les quatre cadres et je les visse entre eux. La charpente est terminée! J'avance lentement mais sûrement.

Autor Sascha Borrée baut sein erstes eigenes Gewächshaus. Dafür montiert er Holzbalken zu einem Gerüst zusammen.

Place aux murs. J'utilise des plaques alvéolaires en polycarbonate. Je scie les plaques à la bonne longueur à l'aide d'une scie oscillatoire. Je visse ensuite de fines baguettes à la charpente en bois, et je pose les plaques derrière. Ce n'était pas si difficile que ça.

Mais ça se complique, car je dois poser une porte coulissante à l'avant, ce qui demande un peu plus de doigté. Je fabrique une glissière à partir de baguettes en bois que je pose sur les poutres inférieure et supérieure. Je pose les panneaux, et je respire un coup. Tout semble s'accorder parfaitement. Les plaques coulissent sans problème. Lorsqu'il fera trop chaud cet été, je pourrai enlever les plaques à l'avant pour bien aérer la serre.

Sascha Borrée bringt die Polycarbonat Stegplatten per Kappsäge auf das passende Maß. Sie ergeben später die Wände für sein selbst gebautes Gewächshaus.

Il ne manque plus que le toit qui abritera mes tomates. Je découpe une plaque ondulée en plexiglas avec la lame fine d'une scie oscillatoire. C'est un détail très important, car les lames plus grosses peuvent briser le plexiglas. Je scie prudemment. J'ai fait le bon choix, heureusement. Le plexiglas ne se casse pas, et je passe à l'étape finale. Je fixe les plaques ondulées sur la serre avec huit vis.

Autor Sascha Borrée befestigt Plexiglas Wellplatten oben auf seinem selbst gebauten Gewächshaus. Es soll als Dach dienen.
Autor Sascha Borrée betrachtet sein Werk – sein selbst gebautes Gewächshaus.

Je contemple mon œuvre depuis l'extérieur, puis j'y pénètre et j'admire le ciel à travers le toit transparent. Je m'imagine les belles grosses tomates qui y pousseront ces prochains mois. Bientôt, très bientôt... Je suis ravi. Je n'ai pas fait l'ascension du Kilimandjaro, et je n'ai pas traversé l'Atlantique en bateau. Non, j'ai tout simplement construit une serre. Parfois, ça suffit amplement.

Texte: Sascha Borrée | Photos: Lucas Wahl