Une petite boutique d'Altona, à Hambourg. Les clients de passage ne peuvent pas se perdre dans cette grande rue, où le trafic automobile est dense. Ils quittent le gris de la rue pour pénétrer dans un monde étincelant peuplé d'objets en argent. Le métal brille, méticuleusement décoré, poli et éclairé. Des objets neufs, des antiquités, des décorations et des outils y sont fièrement présentés et vendus. On y trouve des cafetières, des bols et des couverts, des milieux de table et des chandeliers. Les antiquités ont toutes été argentées par Maxi Hänsch, patronne et maître galvaniseuse de l'atelier Altonaer Silber Werkstatt, et son équipe.

Das Werkstatt Team der Altonaer Silber Werkstatt: Fabian, Kristof, Maxi und Marcel (von links nach rechts, nicht im Bild: Martje).
L'équipe de l'atelier: Fabian, Kristof, Maxi et Marcel (de gauche à droite, Martje est absente).

Maxi nous accueille avec un grand sourire. On remarque tout de suite qu'elle est dans son élément. Elle se déplace aisément dans l'atelier, malgré ses chaussures de protection. Derrière la boutique, l'atelier s'étend sur plusieurs pièces, du rez-de-chaussée d'une construction basse. Les locaux ne sont pas parfaitement en ordre, mais plutôt «intensément utilisés». Y œuvrent Martje et Marcel, tous deux orfèvres, Kristof, apprenti, Fabian, coutelier, et la maître galvaniseuse elle-même. Tous travaillent souvent côte à côte sur un long établi. On sent qu'ils ont l'habitude de se passer les pièces plus ou moins usées. Etape par étape, ils leur confèrent à nouveau leur éclat d'antan.

Cette boutique et atelier est une entreprise traditionnelle fondée en 1877. Elle a appartenu à Friedhelm Hänsch, le père de Maxi. Maxi a repris la boutique et l'atelier en 2010, après le décès soudain de son père, à l'âge de 53 ans. Elle devait le faire. «Nous avions convenu que je prendrais sa relève un jour. Mais je n'aurais jamais imaginé que ça se produirait aussi vite», nous raconte-t-elle. Du jour au lendemain, elle a pris la responsabilité de la boutique et de l'atelier, de cinq employés et d'un apprenti, alors qu'elle venait de terminer sa formation de maître-artisan et qu'elle avait interrompu ses études d'économie d'entreprise. Sans son équipe, qu'elle appelle aussi sa «famille», elle n'y serait jamais arrivée. L'ambiance de l'atelier Altonaer Silber Werkstatt montre bien cette collégialité. Les membres de l'équipe comptent les uns sur les autres, se complètent et collaborent.

Aujourd'hui, on restaure un couteau de table à la lame émoussée et à la couche d'argent tachée. Un mandat comme bien d'autres. Pourtant, chaque jour est différent. «C'est ce que j'adore, dit Maxi. Chaque pièce a une histoire qui doit être respectée pour lui rendre justice.»

Maxi Hänsch

Les clients versent parfois des larmes de joie lorsqu'un objet de leur enfance, découvert dans le grenier de leurs grands-parents, leur est rendu fraîchement argenté. Ou lorsqu'un vieux bol brille à nouveau comme à l'époque où grand-maman y plaçait les bonbons qu'elle distribuait aux enfants. Maxi polit aussi les souvenirs.

Mais il faut être patient. Prenons l'exemple du couteau de table. Fabian, coutelier, commence: «Quel est son matériau? Comment sa lame et son manche sont-ils reliés? Je ne peux pas commencer avant de le savoir.» Il sépare le manche argenté de la vieille lame en acier à l'aide d'une grosse lampe à souder. On appelle cela débraser. La lame d'acier va rejoindre la ferraille, seul le manche est restauré. Marcel, orfèvre, récupère le manche creux. Il ôte les restes de brasage et le sable qui donne du poids au couteau sans le rendre trop lourd en main. Il brase à nouveau les joints de soudure afin que l'eau ne puisse plus y pénétrer. «En général, les couverts que nous restaurons peuvent être nettoyés au lave-vaisselle», nous explique-t-il. De nos jours, c'est la seule façon de s'assurer que les couverts en argent sont utilisés au quotidien. Les restes de brasage sont poncés à la main. Fabian reprend le travail. Il a choisi une nouvelle lame, qu'il brase au manche, à nouveau rempli de sable pour bac à sable ordinaire au préalable.

Maxi est prête à galvaniser le couteau de table. L'argent, la brillance... C'est son métier. On appelle «galvanisation» l'opération par laquelle on pose une couche de métal sur des objets à l'aide d'un courant électrique continu. Cette technique utilisée pour la première fois au 19e siècle permet d'enduire des pièces de monnaie, des bijoux ou des couverts d'une très fine couche de métal. «En Allemagne, seule une poignée d'entreprises maîtrisent cet artisanat, peut-être cinq ou six. La plupart d'entre elles sont au sud de l'Allemagne», nous explique Maxi. Son matériel de galvanisation se trouve dans une pièce adjacente de l'atelier et occupe à peu près la même surface que toutes les autres places de travail combinées. Des bassins aussi gros que des conteneurs à poubelles, remplis de divers acides et solutions de nettoyage, se succèdent sur les côtés de l'atelier. Le couteau est plongé successivement dans chacun d'entre eux. Une fois qu'il est entièrement dépourvu de gras et totalement propre, il peut enfin être plongé dans le bain de galvanisation. C'est un procédé chimique; l'odeur qui règne dans les locaux en témoigne. Maxi Hänsch, maître galvaniseuse, se tient dans le courant d'air du bruyant système de ventilation et plonge le couteau dans l'eau, entouré de fils de cuivre pour apporter un pôle négatif au bain électrolytique. Des granulés d'argent sont fixés au pôle positif, situé sur le bord du bain. En fonction de la force du courant et de sa durée, la quantité d'acier souhaitée se dissout du pôle positif et se dépose sur le couteau, particule par particule, couche par couche. Pour que tout soit bien uniforme, un automate fait doucement basculer le couteau d'avant en arrière.

Maxi Hänsch

Une fois le bain terminé, le couteau est enduit d'une fine couche d'argent et «prêt à affronter les 50 prochaines années». Grâce à l'atelier Altonaer Silber Werkstatt, des objets conservés par des familles depuis plusieurs générations peuvent être à nouveau utilisés et transmis. «Nous travaillons chaque objet aussi peu que possible, mais autant que nécessaire», déclare Maxi. Le défi est de ne pas endommager ce qui est irremplaçable. «Nous protégeons des souvenirs, donc nous faisons très attention», raconte-t-elle en nous montrant un vieux milieu de table qui fait partie d'une vaisselle d'apparat datant du 19e siècle. Cette pièce n'est pas à vendre. «Je tiens beaucoup à ce milieu de table. Je l'ai restauré avec mon père lors de ma formation dans son atelier. C'est l'un de mes souvenirs les plus précieux.»

Le couteau n'est pas encore tout à fait fini, il doit encore être poli. Maxi se charge elle-même de cette étape. Son objectif est de conserver certaines traces d'usure tout en redonnant son éclat à l'objet. Elle trouve toujours un endroit à polir délicatement, même si seuls les connaisseurs verraient ce détail. Fini? «Ne soyez pas si impatient», me dit Fabian en riant. Il se charge de la dernière étape, l'affûtage de la denture. Le coutelier s'assied près d'une meule de ponçage en mouvement, la main ferme. Il pose un regard critique sur l'objet: «C'est du beau travail!», dit-il en souriant, satisfait.

Die letzten Arbeitsschritte: Maxi poliert das Tafelmesser auf Hochglanz, Messerschmied Fabian verpasst ihm an seinem Schleifblock den sogenannten Wellenschliff, damit es wieder schneidet.
On peut enfin passer aux dernières étapes de travail: Maxi polit le couteau de table, et Fabian affûte sa lame

Maxi prend sa responsabilité envers la tradition très au sérieux. Elle a les mêmes exigences que son père en termes de qualité. Elle regarde vers l'avenir. Elle veut que la boutique et l'atelier, qui profitent déjà l'un de l'autre, soient encore là dans 10 ou 20 ans. «Lorsque la génération qui accorde encore de l'importance aux objets en argent disparaitra, nous devrons exploiter de nouveaux secteurs commerciaux.» Les pièces haut de gamme achetées à la boutique reviennent à l'atelier pour être réparées ou poncées. Une boutique en ligne en pleine expansion complète le tout. Maxi adapte régulièrement son assortiment, l'équipe lui apporte des idées créatives. Ainsi, lorsque la boutique était fermée durant le confinement du printemps dernier, Fabian a réalisé son idée de «lanyard beads», de petits colliers de perles poncées en titane que l'on peut accrocher à un couteau de poche ou à un porte-clefs. La devise de l'équipe: oser innover sans oublier la tradition.

Texte: Katrin Viertel | Photos: Charlotte Schreiber