Bah! 154 km/h de vitesse de pointe avec une luge. Jusqu’à présent, seule une personne a atteint ce record mondial: Manuel Pfister, athlète olympique autrichien, alors qu’il préparait les Jeux olympiques d’hiver de 2010.

154 km/h? Cela surprend la plupart des gens. Moi, ça me fait sourire. Depuis ma tendre enfance, j’ai accumulé beaucoup d’expérience en tant que lugeur. Et je suis certain d’avoir naguère dévalé mes collines natales au moins aussi vite que Manuel Pfister. Du moins, c’est ce dont j’avais l’impression. Malheureusement, personne n’a jamais mesuré ma vitesse. Et personne ne me croit aujourd’hui.

Sascha Borreé

Les prochains Jeux olympiques d’hiver débuteront le 9 février prochain en Corée du Sud. Non, je ne me suis pas qualifié. Par contre, je veux saisir l’occasion pour enfin convaincre le plus récalcitrant de mes amis de mes exploits de lugeur. Vu que je n’ai plus enfourché de luge depuis longtemps, j’ai quelques hésitations. C’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas, mais j’ai besoin d’une vraie luge de course. Pas d’une luge du commerce. Après tout, j’ai des ambitions sportives.

Ma décision est prise: je vais me la fabriquer moi-même. Pour ce faire, je me rends chez Klaus Flegel, copropriétaire de l’atelier Holzhilfe à Dresde. Klaus sait comment fabriquer des luges qui rappellent d’élégants bobs. «Elles sont fabriquées plus rapidement que les luges en bois conventionnelles du commerce», m’explique-t-il. Parfait. La vitesse, c’est l’aspect décisif.

Sascha Borreé macht sich Notizen beim Bauplan für den Schlitten.

Klaus a déjà dessiné un plan de construction. C’est un pro. Il donne des cours de fabrication de luge depuis des années. «Pour notre modèle, nous avons besoin de deux parties latérales, que nous devons d’abord scier», me dit-il. Contrairement aux luges conventionnelles, les magnifiques pièces de Klaus sont faites à partir de plaques de bois, et non d’étais de bois arqués. En effet, arquer les étais est un processus difficile, et leur séchage prend du temps. Ce processus peut d’ailleurs durer des semaines. Mais nous voulons terminer aujourd’hui. Je reporte le tracé des pièces latérales d’après le patron de Klaus sur la plaque de bois avec un crayon et je les scie. Je laisse un peu de jeu, car la scie circulaire manuelle et la scie sauteuse ne scient pas très précisément. Je fixe ensuite le patron sur mes pièces latérales grossièrement sciées et je les travaille soigneusement avec une fraiseuse de table. Les pièces prennent enfin forme; elles ont déjà l’air très affûtées.

Sascha Borreé und Klaus Flegel planen den Bau des Schlittens.

Il nous faut encore trois traverses et quatre planches d’assise. Nous scions les traverses dans le même bois que les pièces latérales, c’est-à-dire une plaque de bouleau multiplex de 22 millimètres. Pour les planches d’assise, nous utilisons un panneau aggloméré de 8 millimètres d’épaisseur. «La surface rugueuse apporte de l’adhérence et empêche de glisser de la luge et d’atterrir dans la neige», m’explique Klaus. Il pense à tout. Et il a déjà scié des lattes dans le panneau aggloméré. Il ne me reste qu’à les tailler à la longueur désirée et à biseauter leur extrémité, ce que je fais sans problème avec la scie oscillatoire de Klaus.

Sascha Borreé bereitet das Holz für den Schlitten vor.

Toutes les pièces sont-elles terminées? Oui. En fait, non, je peux encore embellir le tout. J’arrondis les bords effilés avec une fraiseuse portative, puis je peaufine avec un bloc de ponçage et une ponceuse. Les surfaces des deux pièces latérales sont aussi poncées. La luge doit être aérodynamique, et chaque subtilité compte.

Sascha Borreé fräst und schleift die Kanten vom Schlitten.

Avant d’enfin nous attaquer au montage, je regarde sur le plan de construction où sont positionnés les trous de cheville. Je marque leurs emplacements, puis je commence à percer. J’enlève la poussière de bois, je verse quelques gouttes de colle, et je presse les chevilles. Les pièces sont ensuite pressées avec des serre-joints pour que la colle durcisse. Il s’agit maintenant de patienter …

Sascha Borreé und Klaus Flegel leimen die Einzelteile vom Schlitten und fixieren die Einzelteile zum Aushärten mit Schraubzwingen.

Heureusement, mon attente prend vite fin! Au bout d’une heure passée près du chauffage, la colle est presque sèche. Nous enlevons les serre-joints, puis j’enlève les restes de colle. Mon œuvre commence à ressembler à une vraie luge. Que manque-t-il encore? Les planches d’assise, évidemment! Je les pose, les visse. Je monte les patins de métal en suivant le même principe.

Sascha Borreé bohrt die Sitzfläche und Kufen an seinen Schlitten.

C’est fini? Je lance un regard à Klaus. Presque. «Pour que la luge tienne l’hiver, il te faut lui mettre deux ou trois couches de laque. Ça prend un peu de temps, mais tu n’as pas besoin d’être dans l’atelier. Tu peux tout à fait le faire à la maison.»

Sascha Borreé hält den fertigen Schlitten in seiner Werkstatt in den Händen.

D’accord, je ne le ferai pas aujourd’hui. Et je ne lugerai pas non plus, puisqu’il n’y a pas de neige en ce moment. Vais-je battre des records de vitesse avec ma luge faite maison? J’en suis convaincu. Et dans le cas peu probable où je ne battrais pas le record de Manuel Pfister, j’applique ma devise olympique: l’important, c’est de tout fabriquer soi-même.

Texte: Sascha Borrée | Photos: Lucas Wahl